1915-1919 CORNERLOT Convalescent Home for Nursing Sisters
LA PRINCESSE LOUISE, CORNERLOT ET HARDELOT
Tout commence par un homme. Il s’appelle John Whitley, et c’est un industriel originaire du Yorkshire. Il est énergique, inventif, tenace. En France déjà il a participé à la création du Touquet, mais l’un de ses projets n’ayant pas été repris, il se retire, et tourne ses regards vers un lieu tout neuf, où tout est à inventer : Hardelot.
La famille royale d’Angleterre et Hardelot.
En 1905 est fondée la Société d’Hardelot. Mais pour attirer une clientèle élégante et… fortunée, il faut, non seulement lui proposer des distractions convenant à ses goûts : tennis, golf…, mais encore faire parade de hautes relations, et bien afficher le caractère sélectif de la station,
«Patronnée par la famille royale d’Angleterre ; les membres de l’Ambassade Britannique de Paris, et sous le patronage distingué d’une centaine d’amis éminents, représentatifs de l’Entente Cordiale, dans nos deux pays ».
Telle est la publicité régulièrement placardée dans le journal The Boulogne Chronicle. Et l’un des journalistes, justement admiratif, d’ajouter : « Si M. Whitley ne peut faire marcher Hardelot, personne ne le peut. »
« La famille royale d’Angleterre » : il ne s’agit rien de moins que la princesse Louise, quatrième fille de la reine Victoria et du prince Albert, leur sixième enfant ; et de son époux, le duc d’Argyll. (Lors de leur union, en 1871, il n’était alors que marquis de Lorne, et c’est sous ce nom qu’il sera gouverneur du Canada, de 1878 à 1883. Il prendra le titre de huitième duc d’Argyll en 1900, à la mort de son père. Les ducs d’Argyll sont les chefs du clan Campbell). Bon joueur de golf, il accepte de devenir Président du Club, et le même journal peut donc annoncer, le 11 août 1906, « Le duc d’Argyll a visité Hardelot et a joué a round of the Golf links avec Mr. Maurice Péron, qui a été nommé Capitaine du Club » ; le 18, qu’il a joué a foursome1 avec Mr. Whitley, Mr. Maurice Péron et Mr. J-B Dunns ; mais surtout proclamer, à cette même date, que « Le duc, qui est le Président honoraire du club, a été très satisfait de de sa visite et il est sur le point de faire construire un Chalet dans la ville, sur un demi-acre de terrain qu’il a acquis [soit environ 2 000 m2]».
Duc d'Argyll -Golf d'Hardelot 1907
Cela pour le duc d’Argyll. Mais qu’en est-il de Louise, personnellement ?
La princesse Louise
La princesse n’avait certes pas connu une enfance épanouie. Elle étouffait dans cette vie sans joie que la reine imposait à ses enfants après son veuvage. Il lui faudra beaucoup de volonté pour que soit reconnu son réel talent de sculpteur et pour qu’elle puisse étudier cet art. Elle sera admise alors à participer à des expositions, fréquentera le monde de la bohème. Très jolie, elle fut indubitablement un chef-d’œuvre d’élégance. Son mariage avec le marquis de Lorne, un « commoner », un sujet de la reine donc (elle n’avait voulu d’aucun prince étranger) ne fut pas une réussite ; les époux mèneront chacun leur vie propre et n’auront pas d’enfant. Les dernières années du duc d’Argyll amèneront entre eux un grand rapprochement. Il meurt en 2 mai 1914.
La princesse fut unanimement considérée comme une femme de valeur, une amie chaleureuse et fidèle, mais souvent aussi reconnue comme douée d’un caractère peu facile. Très indépendante de nature, et même anticonformiste, très flirt, elle conservera cependant toujours le souci de son rang.
La villa Cornerlot
Et la villa fut bâtie, confortable et belle, comme nous allons le découvrir. Mais qui en a réellement profité ? le duc, oui, mais la princesse elle-même ? Il nous faut bien avouer que jusqu’ici nous n’avons encore aucune preuve de sa venue chez nous AVANT la guerre. Et dans ce cas, aurait-elle, elle aussi, joué au golf ? Certainement pas, car deux accidents lui avaient irrémédiablement abîmé un genou, le premier en Ecosse, le second, bien plus grave encore, au Canada, lors d’un accident de traîneau. Et puis, en eût-elle été capable, le duc n’y aurait-il pas mis opposition ? Il lui avait bien interdit le billard, privilège masculin, un jeu auquel elle aimait malgré tout s’adonner, mais en cachette. On a beau d’un côté professer des principes égalitaires, on a beau être de l’autre une princesse rebelle, il y a malgré tout des limites à ne pas dépasser…
Cornerlot prêté à La Croix Rouge Anglaise - 1915
Mais en 1914 tout allait basculer, le monde changer. C’en était bien fini de la vie légère et joyeuse d’Hardelot.
La Seconde Guerre des Boers, 1899-1902, avait déjà vu la princesse témoigner de son intérêt profond envers le monde médical et particulièrement les soins apportés aux blessés2. La guerre de 1914-918 va lui donner l’occasion d’une aide directe et personnelle, en mettant certaines de ses résidences à la disposition d’officiers souffrants ou en convalescence. Et c’est ainsi que de plus s’ouvre à Hardelot, en janvier 1915, a Convalescent Home for Nursing Sisters, dans sa villa prêtée par elle à la Croix Rouge, mais qui sera gérée par des V.A.D. (Voluntary Aid Detachment). D’autres dames de la haute société anglaise ont à cette époque la même attitude, telle au Touquet la duchesse de Westminster, qui organisera elle-même un hôpital dans sa résidence.
Quelques précisions : étaient appelées Sisters les infirmières, diplômées après trois années d’études. Le principe était celui prôné par Miss Nightingale : l’acquisition de compétences devait aller de pair avec le développement personnel. Ces infirmières devaient être d’une moralité exemplaire. Au départ, l’appartenance sociale était souvent d’une importance capitale. Elles avaient d’emblée le titre d’officier, et, hors travail, ne devaient avoir aucun contact avec des soldats d’un rang inférieur, une règle stricte qui pouvait parfois poser de sérieux problèmes familiaux, ou affectifs. Le renvoi en Angleterre était une sanction grave, généralement due à un manquement dans la discipline.
L’infirmière en chef était dénommée Matron. Elle était aussi profondément respectée que crainte.
Les V.A.D. elles, étaient des Nurses ; elles formaient un corps auxiliaire, un corps de réserve, créé en 1909, après que l’insuffisance en nombre du service infirmier lors de la Seconde Guerre des Boers se fût fait cruellement sentir. L’entraînement, à l’origine, s’étalait sur un an, à raison généralement d’une journée de formation mensuelle, voire hebdomadaire. Dès 1915, l’instruction se fit beaucoup plus intensive, et en un temps beaucoup plus bref : trois mois. L’âge requis : un minimum de 23 ans. Toutes ces jeunes femmes appartenaient à un excellent milieu social. Les besoins grandissants causés par les pertes effroyables subies par les armées britanniques firent que ces nurses, uniquement destinées, avait-on prévu, à servir en Grande-Bretagne, furent bien vite envoyées sur le continent. Leur rôle était multiple : aider aux pansements, préparer les petits déjeuners, porter les plateaux, nettoyer les sols, allumer les feux, souvent même s’occuper du lavage du linge, aider les hommes à s’habiller, se déshabiller, se laver ; faire un massage, distribuer les médicaments3… Théoriquement, elles étaient habilitées à aider les Sisters lors des pansements. Dans la réalité, en cas d’affluence de blessés très gravement atteints, ou ayant dû subir une opération, la tâche leur en incombait directement.
A noter qu’en dehors des relations de service, les relations personnelles d’amitié entre sisters et nurses n’étaient pas souhaitées. Là encore il s’agissait de tenir son rang.
V.A.D - détente en forêt d'Hardelot 1916
The Princess Louise’s Convalescent Home for Nursing Sisters d’Hardelot
Dans les divers documents relatifs à cette époque : archives, rapports officiels, lettres, journaux intimes, le nom de ce Convalescent Home apparaît fréquemment, parfois dans une brève mention, mais très souvent avec un luxe de détails. L’article suivant, paru le 1er avril 1916 dans The British Journal of Nursing, mérite d’être cité en premier. Il est reproduit ici dans son intégralité :
THE BRITISH JOURNAL OF NURSING - 1er avril 1916
H.R.H. Princess Louise’s Convalescent Home for Nursing Sisters
Le premier compte-rendu annuel, daté de janvier 1916, relate :
« Voici juste un an s’ouvrait, dans la zone des armées, ce Home de convalescence pour infirmières. Son Altesse la princesse Louise, duchesse d’Argyll, avait prêté à cet effet sa belle maison située au milieu de la forêt d’Hardelot. Les patientes y furent reçues le 26 janvier 1915 et, à la date du 26 janvier 1916, le total en avait atteint 683 [pour ces douze mois, évidemment]. Ces chiffres sont la preuve par eux-mêmes qu’un tel home de convalescence était certainement nécessaire.
Cornerlot convient parfaitement au but recherché
La maison convient particulièrement bien au but recherché : un bâtiment tout en longueur, bas, situé sur un terrain élevé, au milieu des pins dont les couleurs verte et brune et la douce senteur sont extrêmement propices au repos. L’extérieur est fait de pierre brute, avec des toitures de tuiles rouges et des fenêtres à deux battants ; la villa est entourée d’une terrasse pavée, bordée d’herbe, avec dans le fond un mur bas fait de pierre, au milieu duquel des marches conduisent à l’avenue en contrebas. Le drapeau de l’Union Jack et celui de la Croix Rouge, à la barrière d’entrée, attestent bien l’utilisation actuelle de la maison. Celle-ci a de nombreuses pièces et elle est divisée en deux ailes, entre lesquelles se situe une superbe salle de billard, maintenant la salle à manger, et où peuvent prendre place quelque trente personnes, ou même davantage à l’occasion. Il y a un petit salon, un hall confortable et un autre salon, plus vaste. Un bien agréable détail : toutes les pièces possèdent une belle cheminée ouverte, un signe de bienvenue en France, très apprécié !
La villa est entourée d'une terrasse. Une très rare photo de la villa de la Princesse Louise (photo de Cornerlot source Imperial War Museums)
« La routine journalière »
Le Home n’est jamais sans patientes ; le maximum que l’on puisse prendre est de 22, un nombre souvent atteint. Certaines patientes demeurent jusqu’à six semaines ; d’autres seulement pour une nuit ; mais la durée habituelle est d’une ou deux semaines. La routine journalière habituelle s’établit ainsi : petit déjeuner au lit, à 9 heures ; il est apporté dans les chambres sur des plateaux et consiste en thé ou café, œufs, bacon ou jambon, confiture d’orange, petits pains et beurre. Les patientes se lèvent alors et vers 11 heures partent se promener, et le lunch est à une heure, comprenant une soupe ou un poisson, un rôti de bœuf ou de mouton, ou du poulet, des entremets variés, des compotes de fruits, du fromage et du café.
Cornerlot - la terrasse espace de détente- 1918
[Curieusement, le ton neutre adopté jusqu’à lors, une simple relation des faits, va prendre subitement une tonalité plus intimiste : nous… L’article n’est pas signé, mais il semble émaner de quelqu’un qui connaît bien les habitudes et les lieux, mais aussi qui est capable d’en parler de façon détachée, d’une façon bien différente des témoignages que nous allons découvrir. Une hypothèse quant à l’auteur du texte sera émise plus tard.]
Entre 2h et demie et 3 heures une ambulance arrive de Boulogne, amenant de nouvelles arrivantes ou des infirmières qui ont une demi-journée de congé et aimeraient passer l’après-midi avec nous. La poste arrive généralement par cette ambulance, et les gens et les ambulances habituellement ne cessent d’arriver et de repartir jusqu’à l’heure du thé, 4h 30. Le thé consiste en du pain, coupé dans les très longues miches de pain français, des petits pains ronds et des croissants, de la confiture, du beurre, des gâteaux (généralement ‘faits maison’), et du thé. Vers 5h 30 ou 6 heures, l’ambulance de l’après-midi retourne sur Boulogne avec les patientes qui peuvent repartir, aptes au travail, et les visiteuses venues là pour la demi-journée.
Une remarquable cuisinière française qui ne dédaigne pas de s’adapter aux plats anglais favoris des Anglais
Le « Despatch Rider », le véhicule qui fait la navette entre Boulogne et Etaples (des villes distantes de quelque 25 miles), arrive habituellement vers 5 heures, apportant une quantité de journaux, des quotidiens comme des hebdomadaires, aimablement fournis par la British Red Cross Society, et grandement appréciés par les habitantes du home. Après le thé, en hiver, elles travaillent et lisent, jouent au bridge, font des ‘réussites’ et des puzzles. Ecrire des lettres occupe aussi une large portion de leur temps, car dans un hôpital, comme chacun sait, on n’a jamais le temps d’écrire des lettres. En été, naturellement, les bois et les dunes de sable, dont la beauté et la variété ne peuvent s’imaginer si on ne les a pas vues, fournissent des attractions sans fin, et cela jusqu’à l’heure du dîner. Ce repas a lieu à 7h 30 et il est très simple, consistant en un plat de viande, avec des légumes, et un pudding, du fromage, des biscuits et un dessert, suivis par une tasse de chocolat. Il faudrait mentionner que le Home a la chance de posséder une remarquable cuisinière française en la personne de Madame Famchon, l’épouse d’un vieux serviteur du duc d’Argyll4, et qui ne dédaigne pas de s’adapter aux plats anglais favoris des Anglais.
Alors les nouvelles venues vont immédiatement se coucher afin de profiter des bons feux allumés dans leurs chambres en hiver, une faveur toute spéciale en ce pays ; pendant que les plus anciennes habitantes retournent aux mêmes amusements qu’avant le dîner. Nous espérons avoir bientôt un piano, ce qui sera une bonne chose. Pendant les premiers jours, les patientes semblent trop fatiguées de corps et d’âme pour se soucier de faire quoi que soit, et beaucoup sont incapables de trouver le sommeil après la tension qu’elles ont vécue. Celles qui viennent des Casual Ty Clearing Stations ont encore généralement le bruit des canons dans les oreilles, et elles sont épuisées. Mais un changement se produit bientôt, et dans les trois ou quatre jours elles commencent à ressentir le besoin de longues promenades ; et elles mangent et dorment mieux. L’Officier appartenant au Corps médical et qui a la charge du Home provient de l’Hôpital 25, à environ deux mille et demi de là. Nous sommes reliées par téléphone à cet hôpital, de façon qu’il puisse venir à tout moment si nécessaire, et cela en sus de ses visites ordinaires aux patientes.
Il peut être intéressant de mentionner le nombre d’hôpitaux dont nous avons reçu les patientes, et aussi quelques cas particuliers. Le Home se situe entre deux vastes zones d’hôpitaux, Wimereux et Boulogne au nord, Camiers et Etaples au sud ; ces deux derniers mentionnés, en particulier, sont de vastes camps, des villes plutôt, constitués d’hôpitaux établis sous les collines. Nos patientes viennent également de Casualty Clearing Stations, qui sont les hôpitaux les plus proches de la ligne de combat ; de navires hôpitaux, de barges et de trains ambulances ; elles viennent de St. Omer, Calais, Abbeville, Le Tréport, Rouen, Versailles, et d’autres lieux en France. Ces hôpitaux représentent toutes les différentes branches des Nursing Services en France : Army Regulars, Territorials, Reserve, Military Probationers, Australian, Canadian and American Units, British Red Cross Society et St. John Ambulance, et V.A.D. On réalise aisément le pittoresque spectacle que peuvent présenter ces différents uniformes rassemblés à l’heure du thé, avec l’écarlate des capes des Regulars, le gris et l’écarlate des Territorials et de la Reserve, les robes des Canadiennes, bleu sombre, ornées de cols et manchettes rouges et de boutons de cuivre, le bleu de la Croix Rouge et le noir et le gris de St. John, et les brillantes touches de couleur provenant des différentes unités américaines. »5
(Puisqu’il est question de tenue vestimentaire, on peut noter quelques évolutions, au cours de ces années de conflit. Tout d’abord, le petit bonnet maintenu par des rubans : tenue extérieure, fut progressivement remplacé par un chapeau à larges bords, tel qu’on peut le constater sur la photo ; mais aussi, et pour des raisons pratiques : la boue des tranchées, les jupes furent raccourcies, s’arrêtant à présent aux chevilles. On parle même de V.A.D. qui, vu leur travail, portaient des robes ne dépassant pas le genou. La couleur des robes des V.A.D. ? un ‘bleu moyen’).
Un Home propice au repos et bien dirigé
The Royal Archives, conservées à Kew, sont aussi pour nous une mine d’informations. Elles contiennent les rapports, à la fois minutieux et concis, établis par DAME MAUD McCARTHY, Chief-matron, c’est-à-dire responsable de tous les hôpitaux, maisons de convalescence, navires hôpitaux, Casualty Clearing Stations, barges, du Corps Expéditionnaire Britannique en France comme en Flandre. C’était une femme d’une immense valeur reconnue, qui avait elle-même servi pendant la Seconde Guerre des Boers.
Ses rapports évoquent souvent la maison d’Hardelot, avec ce jugement final éloquent : « C’était un Home propice au repos et bien dirigé, et toutes {les patientes] ont invariablement parlé en bien de l’hospitalité reçue ».
(Toutes ?... Une seule note discordante ; elle nous est donnée par SISTER OLIVE HAYNES, membre de l’Australian Nursing Service, et en poste au No 2 Australian General Hospital à Wimereux, à la date du 18-4-1917 : « Kit [McNaughton] revient vendredi. Elle est allée dans le Home de Convalescence de Lady Gifford pour une semaine. Elle ne l’aime pas beaucoup. Trop anglais. ».
Afin d’éviter des redites, seuls les extraits suivants en ont été retenus ; ils proviennent du REPORT ON THE CONVALESCENT HOMES FOR THE NURSING STAFF in France 1914-1919 Hardelot – Sous l’égide de la Croix Rouge, Sophie, Lady Gifford, en était la Super intendante, et Miss Inglis était son assistante.
« Tous les médicaments et toutes formes de réconfort médical étaient gratuits, et la nourriture et le combustible étaient fournis par l’Armée, en témoignage de gratitude. En toute matière, sauf en ce qui concerne la discipline, le Home était entièrement sous la responsabilité de la Croix Rouge britannique, qui fournissait la vaisselle et tout l’équipement supplémentaire nécessaire… La maison fut fermée à plusieurs reprises pour de courtes périodes, soit pour un nettoyage, soit à la suite d’une épidémie de rougeole, et en 1917 il fut fermé pour une période de 21 jours, car l’une des patientes, Miss Evans, V.A.D., avait développé une méningite cérébro-spinale. Elle fut immédiatement transférée au 14 Stationary Hospital, et nous sommes au regret de dire qu’elle mourut un mois plus tard. Heureusement aucune des 16 nurses qui étaient demeurées en quarantaine ne développa de symptôme et le Home fut réouvert le 14 juillet.
Un autre Home de Convalescence s’étant ouvert à Cannes en novembre 1917, la maison d’Hardelot ferma temporairement pour la saison 1917-1918. Lorsqu’il fut question de la réouvrir, fin avril, cela s’avéra impossible, à cause d’une grave maladie dont souffrait le gardien des lieux [M. Famechon] qui, pendant de nombreuses années, avait été au service de Son Altesse Royale et qui, avec son épouse, demeurait là. De ce fait, trois villas d’Hardelot Plage furent louées par la Croix Rouge britannique. Elles étaient bien situées, près du front de mer, et l’on pouvait y recevoir jusqu’à 45 patientes. Les admissions y débutèrent le 11 mai, et Lady Gifford de nouveau assurait la supervision.
Quand les Homes de Convalescence du sud réouvrirent pour la saison 1918-1919, il fut décidé que, puisque la fermeture du Home d’Hardelot durant la saison précédente avait privé de nombreuses sisters de quelques jours de repos dont elles avaient grand besoin, et que d’autre, malades, avaient dû être inutilement envoyées en Angleterre, [les nouveaux locaux s’étant révélés insuffisants], le Home ne fermerait pas complètement cette saison, mais serait retransféré dans la Villa de la Princesse Louise. Le gardien était décédé8 [et son logement se trouvait de ce fait libéré], le nombre de lits était suffisant, et Son Altesse Royale l’avait à nouveau généreu-sement mise à notre disposition. Lady Victoria de Trafford en devint la superintendante, ; tandis que Lady Gifford prenait la direction de la maison de Cannes. Le Home d’Hardelot ferma définitivement ses portes à la fin de mai 1919. »
Lady Gifford dirige le Home Princesse Louise. Promenade sur la terrasse de Cornerlot
Témoignages de patientes accueillies à Cornerlot
Les témoignages des patientes, maintenant ; celui de SISTER ELSIE TRANTER, AANS (Australian Army Nursing Service), originaire de Tasmanie, et précédemment en fonction à l’hôpital de Melbourne. En 1917 elle fut affectée dans notre région, cette « terre d’hôpitaux », qu’au cours des mois elle finit par bien connaître, évoquant par exemple aussi le fort de l’Heurt du Portel que Pont de Bric (sic), ou bien encore le Chat bleu du Touquet, « justement dénommé, car trois jeunes Persans sont lovés à la fenêtre ». Un problème de rougeole, d’abord traité au No 14 Stationary Hospital à Hardelot, l’amène ensuite à la villa.
15-4-1917. « La matron est Lady Gifford. Sa sœur, Miss Seymour, vit ici également. Il y a aussi une famille française qui prend soin de la maison et du terrain. En France, au lieu d’avoir comme chez nous de grands orphelinats, les jeunes enfants sont confiés à différentes familles. Les gardiens ici ont un de ces orphelins, et le garçon passe là du bon temps. Il a plusieurs lapins bien à lui, bien gras, et aussi bien un âne et un chien ! […]
La reine du Portugal
La reine du Portugal vient nous rendre visite à l’occasion. Quand elle arrive, Lady Gifford la conduit jusqu’à la porte du grand salon et annonce : ‘Ladies, Her Majesty !’, alors chacune est supposée se lever d’un bond et faire la révérence. Un jour elle est venue et l’une de nos sisters australiennes, qui se reposait dans le petit salon, au lieu de faire la révérence, s’est juste levée nonchalamment, a tendu la main à la reine Amelie et a dit : ‘Comment allez-vous ?’ La reine a paru très amusée. [Une simplicité dans les manières que semble confirmer Sister Oliver Haynes : « Elle est assez forte et tout à fait gentille et d’apparence ordinaire.]
Elsie Tranter encore : « Il y a plusieurs sisters et V.A.D. anglaises ici, deux canadiennes, une américaine, sisters Stewart, McNaughton et moi-même (australiennes). Nous vivons à trois dans le grenier, ou plutôt, nous y dormons.
Comme nous trois, les Aussies, nous sommes un brin curieux, nous aurions bien voulu savoir qui était Lady Gifford, aussi au retour de l’église sommes-nous restées ici pour la chercher dans le British Peerage, et nous avons trouvé qu’elle était la fille de l’amiral Street et rien d’alarmant dans son ascendance. Nous avons aussi trouvé qu’un ancêtre de Lord Gifford avait été anobli en 1924. Lady Gifford porte l’uniforme des Sisters de l’armée britannique avec les rubans de l’Afrique du Sud, aussi je suppose qu’elle a un certain rapport avec la Guerre des Boers aussi. De toute façon, elle est très bonne et très aimable pour nous toutes ici.
1914-1917. Une sister anglaise retournait par ambulance à Camiers, aussi nous trois, les Australiennes, et Miss Jardine (américaine) avons demandé, et obtenu, la permission de l’accompagner, pour le plaisir de la promenade. {…,) En revenant à Hardelot, nous avons visité les salles de rafraîchissement du Pré Catalan (sic)11 et avons pris là le thé. Il y a au Pré Catalan de jolis terrains, où l’on sert le thé lorsqu’il fait beau. Nous avons ensuite marché jusqu’à Hardelot-Plage, une agréable promenade à travers la forêt.
Nous avons visité le vieux Château, qui est maintenant utilisé comme école de l’armée. A l’origine, il a été bâti par Jules César. C’est ici qu’Henry VIII rencontrait Anne Boleyn et ici qu’il a passé l’une de ses diverses lunes de miel12. Nous avons vu les vieux donjons. C’est dans l’un de ces donjons que voici dix ans l’on a trouvé un squelette, attaché au mur13. »
Un témoignage bien particulier nous offre un aspect complémentaire de la situation ; il émane de SISTER BEATRICE HOPKINSON, une toute jeune femme qui, au départ, se différenciait en tout de nombre de ses collègues : pas d’expérience lors la Guerre des Boers ; pas de famille privilégiée qui aurait facilité son insertion dans les V.A.D.; pas de formation ni d’appartenance dans une unité hautement sélective, mais tout au contraire dans un hôpital de Nottingham spécialisé dans les problèmes de fièvre, ce qui était alors considéré comme d’un échelon inférieur. Mais c’était une personne énergique, aux réactions rapides, d’une grande habileté, et qui sera rapidement sélectionnée pour servir aux avant-postes. Le 26 août 1918 elle arrive à Wimereux afin d’y subir une intervention chirurgicale au niveau de l’oreille Elle n’a qu’une peur : c’est d’être renvoyée en Angleterre pour sa convalescence. A sa grande joie, le médecin lui prescrit deux semaines à Hardelot.
Pique-niques, jeux et bains de mer
« J’ai entièrement aimé mon temps de repos là-bas. Le home était magnifiquement bien dirigé et la nourriture splendide. En fait, c’était juste le lieu idéal pour une invalide. Il y avait tout près un camp de repos pour officiers, et qui était toujours plein. Ils avaient l’habitude d’arranger des pique-niques auxquels les sisters étaient invitées, et aussi des jeux sur le sable près de la mer, hockey, basketball, cricket, etc., auxquels nous avions l’habitude de prendre part. Et puis l’hôpital tout proche programmait toujours des concerts, de sorte que nous étions pleinement occupées et le temps ne pesait pas trop lourdement sur nous. En fait, il passait trop vite. »
Le hockey ?... qui pourtant faisait partie des sports interdits aux infirmières. Hardelot était vraiment une terre d’exception.
Une activité dont Miss Tranter ne parle pas (mais c’est déjà la fin août…), c’est la baignade, une distraction très appréciée certes, mais avec ses dangers, physiques ou moraux. C’est ainsi que Dame McCarthy rapporte un accident survenu le 11 juillet 1916 à l’une des résidentes de la villa, et qui aurait pu avoir une issue fatale :
« Dans la soirée, sister Florence Hyndman était allée se baigner, lorsqu’elle se trouva en difficultés. Une collègue, Sister Jenkins, une solide nageuse, put la ramener sur la rive, en état d’inconscience. Après un passage au No14 General Hospital, Miss Hyndman va pouvoir bénéficier d’un congé en Angleterre, et Miss Jenkins être proposée pour l’Albert Medal. »15 Elle-même, Miss McCarthy, était sur les lieux le lendemain même.16
Les cas de noyades par imprudence, que soit en mer ou en rivière, était suffisamment fréquents pour que certaines restrictions fussent apportées en ce domaine.
La bicyclette pour découvrir la région
Mais un sport qui au départ n’avait pas du tout l’approbation de la chief-matron c’était bien l’usage de la bicyclette. Des raisons pratiques avant tout : où stocker ces bicyclettes ? et, en cas de changement d’affectation, impossible de les emmener, une bicyclette ne faisant quand même pas partie de l’équipement d’une infirmière ! Cependant force lui fut de se ranger à l’opinion du Director-General Medical Services et de faire connaître aux matrons que toute sister ou V.A.D. désirant faire usage d’une bicyclette était libre de le faire.17
La lecture du journal tenu par SISTER CLAIRE GASS, pardon, pardon, par le Lieutenant Nursing Sister Claire Gass, appartenant au Medical Corps of the Canadian Expeditionary Forces, nous offre un exemple de cette libéralité. Claire Gass est alors affectée au No 3 Canadian General Hospital (McGill) à Boulogne. Là, en dehors de ses heures de service, elle profite du moindre temps libre pour partir à bicyclette découvrir la région, prendre des photographies, en compagnie d’une ou de plusieurs de ses collègues. Les noms bien connus surgissent sous sa plume : Brunembert, Wirwignes, L’Abbé Moulin (sic), la Vallée du Denacre, ou bien encore Wierre-Effroy, visité deux fois. Elle nous parle d’abord du « puits magique », dans la chapelle dédiée à sainte Godeline (sic), mais la fois suivante elle va boire avec conscience « l’eau provenant du puits sacré ». Et nous l’accompagnons, pour un bref séjour de détente à Hardelot :
25 mai. « Pas de garde la nuit prochaine. Partie à bicyclette avec Connie Stuart pour le NS |Nursing Sisters] Convalescent home à Hardelot., mais perdu le contact dans Boulogne, et, après l’avoir attendue près d’une heure, j’ai laissé ma bicyclette au quartier général de la Croix Rouge, au Christol, et je suis partie seule en voiture avec Lady Gifford. Après le lunch je suis partie me coucher. La villa dans laquelle le Centre de Convalescence a été arrangé est très jolie, au milieu des bois, et elle appartient à la princesse Louise, duchesse d’Argyll.
26 mai. Réveillée tôt. Lu et écrit jusqu’au petit déjeuner, pris au lit. Puis partie marcher en compagnie d’une sister appartenant au Q.A. [Queen Alexandra’s Royal Nursing Corps] et appris beaucoup au sujet de cet ordre. Après le lunch, Miss Glendenning, moi-même et quatre autres filles sommes allées nous promener et avons visité l’église de Condette. Ces routes sont maintenant de vieilles amies et elles sont très belles à présent. Retour en voiture à Boulogne avec deux sisters anglaises qui allaient à Wimereux. »
Il faut avouer que ce genre d’exemple est assez exceptionnel, surtout lorsque la jeune fille mentionne que deux de ses collègues sont parties de nuit faire une promenade à bicyclette ! Peut-être l’atmosphère d’un environnement canadien était-elle plus libérale ? Cela fait en tout cas écho à cette réflexion de Sister Olive Haynes, le 16-6-1916 : « Les Anglais sont si stricts ; semblent avoir des tonnes de règlements […] Nous avons hâte de nous retrouver à nouveau dans notre propre hôpital, avec des Australiens. »
Ces heures de détente au milieu de la nature, avec des plaisirs simples : cueillir des fleurs, afin d’en orner les salles… sont d’une extrême importance pour ces jeunes femmes, confrontées chaque jour à l’horreur : soldats souvent très grièvement blessés, voire amputés, d’autres gazés, sans parler des conditions de vie parfois très dures… et le plaisir est plus grand encore lorsqu’il peut s’agrémenter d’une tasse de café ou de thé, servi avec une pâtisserie !
AMY NEVILL a 36 ans lorsqu’elle s’engage comme V.A.D. Sa tante, Ann, est déjà une matron. Ses frères sont à la guerre ; l’un, le fameux captain Billie, va être tué le 1er juillet, premier jour de la bataille de la Somme.
On n’est pas accepté si aisément dans les rangs des V.A.D. Après la formation pratique, et avoir obtenu les certificats requis, il faut pouvoir montrer ses références, et finalement c’est l’entretien avec une matron. Amy est alors affectée au No 24 General Hospital à Etaples, qui jusqu’à 1915 sera en grande partie sous tente. Elle aussi va effectuer un séjour dans la villa d’Hardelot.
« Eh bien, m’y voici ; au moins ma respiration sifflante et ma toux auront abouti à cela à la fin. Ici c’est absolument délicieux. Il n’y a pas de règles, ou, dirais-je il y en a une seulement, c’est que vous devez prendre le petit déjeuner au lit ! La région est idéale, belle, avec des bois superbes tout autour, avec des dunes de sable, vous devez juste monter en haut d’une dune et vous voyez jusqu’à la mer, qui est seulement à deux miles d’ici ! Je ne sois pas encore descendue, mais certainement j’irai un jour. Je dois me procurer une paire de pantoufles, je ne pourrais pas faire sans ici, et naturellement vous n’avez jamais l’occasion d’en porter dans notre vie dans les huttes. La joie d’avoir une salle de bains sous le même toit et presque à votre porte, vos chaussures nettoyées, et des bouillotes que l’on vous remplit, des pièces chauffées où se tenir et pas d’odeur de paraffine ni de lampes à remplir partout. Le petit déjeuner vous est apporté à neuf heures. Lady G. m’a apporté le mien ce matin, et vous vous levez quand vous en avez envie, il pleut à verse aujourd’hui et je suis très heureuse. Je ne cours pas comme un lapin de droite et de gauche, du mess à la cuisine, cela ne guérit pas la toux, mais c’est très sain si vous n’avez rien. »
On peut remarquer le ton volontairement enjoué de la lettre, destiné à rassurer la famille.
Jusqu’ici, en dehors du très officiel document rédigé par Dame McCarthy, nous avons uniquement entendu la voix de « patientes » du Home ; leur bonheur indiscutable d’être là, en ce lieu rêvé. Aussi est-il maintenant for intéressant d’entendre celle d’une accueillante, en l’occurrence celle de MISS ALICE ESSINGTON-NELSON, dont le dossier peut être consulté à Londres, à l’Imperial War Museum. C’est un très gros recueil, un extraordinaire assemblage de témoignages personnels, photogra-phies, coupures de presse, aussi bien que de dessins, cartes de rationnement même, et d’une foule de petits souvenirs divers, pour beaucoup empreints d’une forte connotation catholique. Certains textes semblent avoir été rédigés ultérieurement et de façon formelle.
L’article qu’elle rédige, et signe, pour le magazine C.W.L. [Catholic Women League] paru en novembre 1916, ressemble beaucoup à celui publié par The British Journal of Nursing en avril de la même année, et l’on supposerait volontiers qu’elle en était aussi l’auteur. Deux différentes majeures toutefois, car elle s’adresse maintenant à un public différent : moins de détails quant aux descriptions, mais une accentuation religieuse, et même sectaire. Ainsi, après avoir couvert de louanges, et à juste titre, certaines sisters, elle n’hésite pas à ajouter : « et l’on souhaiterait tellement qu’elles soient toutes catholiques ». Miss Essington précise qu’il y a trois églises catholiques dans un rayon de deux miles autour du Home, et que chaque dimanche une ambulance vient chercher les sisters pour les conduire à la messe. La tonalité est également très patriotique.
27 mai 1915, Miss Essington-Nelson arrive à Hardelot, en tant qu’assistante de Lady Gifford. Puisque personne ne l’attend à l’arrivée du bateau à Boulogne, la lettre annonçant sa venue ayant tardé en route, elle se rend immédiatement à l’Hôtel Christol. La nuit, un officiel de l’armée l’emmène à la villa, non sans s’égarer en route. Son action à Londres, dans le cadre de l’accueil des réfugiés belges, explique sa nomination pour ce poste.
Ce que les « patientes » n’avaient pas raconté dans leur journaux intimes, par pudeur, nous en avons ici connaissance. « J’ai vu des larmes dans leurs yeux alors qu’elles réalisaient que pour la première fois elles n’avaient rien à faire et que quelqu’un allait vraiment s’occuper d’elles. … d’abord laissez-moi dire qu’il y avait une seule règle dans la maison, c’était qu’aucune des sisters n’avait le droit de se lever pour le petit déjeuner (sauf, bien sûr, si une sister catholique voulait se rendre à la messe)…[Il y avait alors] quelque 22 plateaux à apporter et à distribuer, il fallait prendre soin des sisters malades, reprendre les plateaux, et bien arranger dans leurs couvertures celles dont le seul désir était de dormir, dormir, dormir ! La matinée se passait en travaux ménagers ou à donner une attention particulière aux malades. Après le dîner, vers 2 heures, habituellement je partais avec l’ambulance pour Boulogne, afin de reconduire à leurs hôpitaux respectifs les sisters dont le temps ici était terminé et puis de faire le tour des divers hôpitaux pour en chercher d’autres, presque tous les hôpitaux de la base de Boulogne. Casino, No 13 General Hospital, recevait les pires cas.
Quand elles arrivent, nous leur demandons ce qu’elles aimeraient faire, et généralement la réponse est : « Puis-je avoir un bain chaud et me coucher ? ». Les bains chauds sont toujours prêts et leur chambre avec un bon feu et une bouillote qui les attend, elles sautent dans le bain et puis elles mangent le repas qui leur a été préparé, et plus d’une fois je les ai trouvées endormies avant que j’aie pu apporter leur repas ! Elles dorment parfois près de 24 heures, s’éveillant juste pour prendre quelque nourriture. Certaines sont juste mortes de fatigue, d’autre souffrent de petites blessures infectées, l’une d’elles, quand elle est arrivée ici, se mettait à pleurer dès que vous lui parliez, mais après trois semaines elle était assez bien pour retourner à son travail. Elle m’a dit que ce qui l’avait achevée c’était la nuit après la bataille de Neuve Chapelle quand 45 terribles cas étaient arrivés dans la petite partie de la salle dont elle avait la charge, et 15 étaient morts avant le matin. »
Mais de quels maux souffraient, ou avaient souffert, au juste, ces jeunes femmes ? La liste en est longue.
« Avril 1916. 46 patientes sont passées par le Home au cours de la quinzaine dernière, provenant de 28 hôpitaux, etc, de France. Les motifs :
Abcès (anthrax) 1
Catarrhe bronchial 1 Rhumatisme 1 Doigt infecté 2 Bronchite 2
Extrême fatigue 2 Pleurésie 1
Fièvre puerpérale 1 Grippe 5
Laryngite 1 Rougeole 4
Amygdalite 2 urasthénie 1 Névralgies intercostales 1
Rubéole 20 ».
[Un total d’ailleurs de 45 patientes. A noter que l’on ne remarque là aucun cas de shell shock, c’est-à-dire de troubles nerveux, survenus parfois chez les infirmières aux avant-postes. A moins que, discrètement, ce soit bien cela que recouvre le mot ‘neurasthénie’ ?]
Mais les humains ne sont pas les seuls à souffrir : « Marché jusqu’aux vastes camps des services vétérinaires de l’armée britannique où sont soignés 2 000 chevaux, qui semblent épuisés et misérables, avec souvent de terribles blessures. La souffrance silencieuse d’un cheval est l’une des choses les plus dures à supporter. »
Août 1916. Le prince Arthur de Connaught,
frère aîné de la Princesse, avec son aide-de-camp est venu jeter un coup d’œil à la maison.
Cette première série d’écrits s’achève le 8 septembre 1916, avec la note : « Mrs Ashley Campbell, matron de l’hôpital du Docteur Paget à La Panne (ambulance l’Océan) où travaille la reine des Belges, est arrivée pour un séjour. »
Puis nous trouvons un document officiel : à la date du 26 avril 1917, Miss Essington avait formulé une demande de congé, pour une période illimitée. Il lui est accordé, et le ticket peut lui être délivré pour la date du 1er mai.
Avant son départ, elle écrit : « Visité les hôpitaux à Boulogne, Etaples, Camiers et évidemment le 25 General. Sophie et Miss Seymour avaient la rougeole allemande et sont allées au 14 Stationary. Je devais partir avant leur retour. J’ai été désolée de dire adieu à l’abbé Bouly22 le cher vieux curé d’Hardelot et à beaucoup d’autres amis que j’ai faits au cours de cette terrible guerre. Je ne peux jamais être assez reconnaissante envers Sophie pour sa bonté et son influence. J’ai eu l’immense privilège de travailler pour nos splendides nurses en France et à l’égard du peuple français aucun mot ne peut exprimer mon admiration ; en tant que nation ils ont été merveilleux. » [C’est Miss Essington elle-même qui souligne les mots.]
En avril [1918 ?], Miss Essington reprend : « A nouveau dans la chère vieille France. C’est la dernière fois en temps de guerre, à cause des nouveaux règlements et de la nécessité de s’engager pour six mois… »
Le 27 avril 1919 elle écrit cette lettre : « Pour la première fois je peux, pour ainsi dire, me tenir en dehors, et jeter un coup d’œil en arrière. Nos premières patientes sont arrivées le 23 ou le 26 janvier 1915, et les dernières viennent de partir le 23 avril 1919. Quatre ans et trois mois, j’aurais souhaité atteindre le chiffre de 4 000, mais comme vous voyez il s’en faut de 233 ! Dame Maud McCarthy est venue pour deux nuits le mois dernier et elle a dit que le Home n’était plus nécessaire ici ni dans l’Armée sur le Rhin ! [...] Elle semblait très satisfaite de tout [] … Nous restons avec seulement le personnel et les orderlies23 pour nettoyer et faire l’inventaire et nous partirons, soit le 8 soit le 9 mai. »
Pourquoi tout spécialement cette allusion à l’Armée’ sur le Rhin’ ? C’est que le 25 General British Hospital, implanté à Hardelot, déménageait pour Cologne. Le personnel comprenait des officiers médicaux britanniques et des nurses australiennes, 100 de celles-ci en 1917. Cependant on ne les estimait plus alors nécessaires et, selon les instructions reçues le 26-2-1919, elles retournèrent en Angleterre, par groupes de 10 à la fois. La matron, Miss Kellett, partit le 10-3-1919, avec le dernier groupe.
Hardelot se vide de son implantation militaire, mais la joie, le brillant de la station appartiennent bien au passé, et ces années d’après-guerre vont s’avérer particulièrement difficiles. Le temps de refaire surface et nous en serons à… la Seconde Guerre.
Où se situait exactement la villa Cornerlot ?
Et maintenant la
grande question : où se situait au juste la villa ? une propriété de quelque deux milles m2, dans la forêt, certes, et d’ailleurs son architecture est bien différente de celle des maisons en bord de mer ; une précision apportée par M. l’abbé Bouly, quant aux limites de la paroisse nouvellement créée : « … cette ligne imaginaire remonte le chemin Sellier jusqu’au chemin de grande communication et englobe le chalet du duc d’Argyll… » Mais la réponse définitive nous est donnée par, la matrice cadastrale de Neufchâtel-Hardelot, que possèdent les Archives départementales d’Arras : en 1911, la propriété, située rue de la rivière section A1bis, comprenant un chalet (C.N. pour construction nouvelle), est indiquée au nom du duc d’Argyll. Dans un autre extrait, au nom de la princesse Louise d’Angleterre, il est noté que le chalet, le pavillon d’observation et le garage sont sortis en 1947, il est aussi noté démolition en 1944 par un avion F624 (3 P 604/66-87).
NDLR: il existe peu ou pas de photos montrant ce qu’était la villa Cornerlot. Les quelques photos présentées ici sont des images tirées d’un fim de l’armée britannique de 1917 consacré aux soins apportés par la Croix Rouge anglaise aux blessés du conflit.
Où était donc exactement Cornerlot propriété du duc d’Argyll et de la princesse Louise ?
Selon les témoignages laissés par les résidentes du « Princess Louise Convalescent Home » pendant la première guerre mondiale, Cornerlot était située dans une superbe forêt. Il était facile de rejoindre la plage à pied par les chemins forestiers. Par ailleurs, Cornerlot était facilement accessible par la route, l’actuelle D 119.
Ces indications ont permis de retrouver le site de la résidence mais ce sont surtout les images d’un film réalisé en 1915 par l’armée britannique qui ont été à l’origine de cette localisation précise. Les vues du film donnent en effet quelques aperçus de la villa de la princesse Louise qui servait à l’époque de « Convalescent Home ». Ces images rares qui montrent la terrasse ont permis de localiser la bâtisse car les murs et l’escalier de la terrasse de Cornerlot sont toujours debout et peuvent être comparés à ceux que l’on voit sur le fim.
La localisation précise étant actée par comparaison des photos de la terrasse de 1915 et ce qu’il reste de cette terrasse en mars 2024, il a été possible de rechercher sur des photos aériennes de 1946 (IGN -Remonter le temps) une image de Cornerlot juste après le guerre de 1939-1945.
Contrairement à ce qui était généralement admis et écrit, la photo aérienne de 1946 montre que de Cornerlot n’a pas été détruite par un bombardement allié de 1944 mais probablement seulement endommagée. En effet le cliché aérien de 1946 laisse à penser que la résidence du Duc d’Argyll et de la Princesse Louise, si elle a été la cible de bombes (voir les cratères aux alentours), a cependant résisté à la destruction complète…Destruction qui a été réalisée quelques années plus tard pour laisser la place à une villa contemporaine édifiée sur le terreplein de la terrasse. L’accès à cette villa se fait toujours par l’escalier de la terrasse de Cornerlot !
Cette photo aérienne - IGN 1946 - montre Cornerlot, située le long de la D 119 près de l’intersection avec l’avenue Whitley, qui n’aurait donc pas été détruite entièrement lors du bombardement de mai 1944 mais sérieusement endommagée. Les cratères de bombes aux alentours de Cornerlot attestent que le site a bien été bombardé.
Comme il est possible de le voir sur la carte, la villa Cornerlot était bâtie sur une propriété située le long l’actuelle route départementale D119 non loin de l’intersection avec l’avenue John Whitley.
Non visible sur ce plan du Domaine d’Hardelot et de ses environs (1910), il est possible de situer Cornerlot dans la zone matérialisée par le point rouge.
Aujourd’hui à l’emplacement de la résidence de la princesse Louise est construite, depuis les années 1970, une grande villa. La terrasse subsiste et il est toujours possible de voir ses murs de soutènement et l’escalier se divisant en deux parties menant au jardin.
La propriété initiale de la princesse a fait l’objet après la seconde guerre mondiale de divisions en parcelles pour la construction de quelques villas, une servitude de passage a été prévue pour accéder de la route départementale D119 au site de l’ex-Cornerlot. Le chemin emprunté autrefois par les résidents pour aller vers l’avenue John Whitley est lui fermé par une grille-portail.
Source
Document aimablement transmis par Hubert Demagny (avril 2021)