Hardelot 1939-1945 : Temps de guerre et de destruction
Hiver 1940, des troupes françaises traversent Hardelot
Un avion espion posé sur la plage d'Hardelot...peu après Boulogne était bombardée...(Lefebvre)
« La seconde guerre mondiale sonne le glas de la station qui, occupée, pillée et dynamitée par les allemands voit se construire en bordure de mer les blockhaus du « mur de l’Atlantique. Les bombardements alliés de 1944 destinés à donner le change au débarquement qui aura lieu en Normandie achèvent de détruire en grande partie la station » - in Hardelot les années 1900 Lefebvre 1981.
1939, les perspectives d’une excellente saison touristique étaient aussi prometteuses que la très bonne année 1938 qui avait vu Belges et Anglais nombreux à fréquenter la station. Les hôtels regorgeaient de monde mais… « Voici septembre, des bruits de guerre, la crainte de l’invasion, la terreur des futurs bombardements…Les Lillois et les Roubaisiens accourent se mettre à l’abri chez nous. Les Boulonnais eux-mêmes se croyant plus en sûreté à Hardelot qu’à Boulogne, enlèvent d’assaut toutes les locations possibles. Rien ne reste inoccupé. La chapelle elle-même est trop petite, tellement les gens sentent le besoin d’invoquer » (RPH p 24)
L’offensive allemande débute le 10 mai 1940. Le 20 mai, les Panzer-Divisionen sont déjà sur la baie de Somme. Le 22 un groupe de combat atteint Neufchâtel où des canons antichars français lui barrent la route ; quelques chars allemands sont détruits.
Char Panzer III détruit par les Français le 22 mai 1940
Les allemands débordent les positions françaises qui se replient sur Boulogne par la forêt d’Hardelot.
Fin mai, la 254 ème division d’infanterie allemande occupe toute la côte. Les troupes anglaises et quelques éléments français avaient pu embarquer pour l’Angleterre à partir de Dunkerque (opération Dynamo du 27 mai au 4 juin) laissant la place aux armées allemandes.
Les allemands aménagent des positions sommaires au sud de la digue et, se préparant à l’invasion de l’Angleterre, organisent des exercices de débarquement.
Soldats de la 254 Division d'Infanterie
Exercices de débarquement Hardelot
Des batteries lourdes sont ensuite installées au sud de la digue.
Un ballet de divisions d’infanterie !
En avril 1941, la 321ème division d’infanterie remplace la 254ème partie vers la Russie. Elle sera elle aussi envoyée sur le front de l’Est fin 1942 et remplacée par la 161ème division d’infanterie. Début 43, c’est au tour de la 191ème division d’infanterie de réserve qui prend position entre Boulogne-sur-Mer et la Baie de Somme. Renommée 49ème division fin 1943, elle participe à l’installation des défenses de la plage. Fin août 1944, la 49ème part pour la Normandie et les artilleurs de la batterie côtière évacuent Hardelot début septembre en laissant leurs pièces sur place ! Le 5 septembre les Alliés sont à Hardelot !
Les Allemands ont occupé toutes les villas autour des courts de tennis.
Les officiers logent villa Sans-Gêne
Sur la terrasse de la villa Bonheur
Dès 1940, l’état-major a installé son poste de commandement au Golfer’s Hôtel. Les officiers logent dans les villas à proximité comme la villa Sans-Gêne qui offre un superbe panorama sur la station ; le commandant et son ordonnance occupant la villa Bonheur (face à l’actuel Hôtel Regina).
Outre les bombardements alliés, des raids commandos ont « émaillé » la période d’occupation
- Un premier raid le 23 juin 1940 : une patrouille de reconnaissance du 11 commando anglais circule dans les dunes sans rencontrer l’ennemi. Elle ne ramène aucune information sur les préparatifs d’un probable prochain débarquement en Angleterre
- Nuit du 30 au 31 août 1941, quinze hommes du premier groupe du 5 commando ont pour mission de reconnaître le secteur d’Hardelot et de faire des prisonniers. Ils ne rencontrent aucun allemand !
- Le 21 avril 1942 une centaine d’hommes du 4 commando ont pour mission de débarquer au nord d’Hardelot et de détruire les projecteurs ennemis, un autre groupe de cinquante canadiens doit débarquer au sud de la station, détruire deux dépôts allemands et faire des prisonniers.
Le commando 4 de retour de mission
Suite à une erreur de navigation, à la brume et à la réaction de la marine allemande, cette expédition est un échec.
Instructions au N° 4 commando avant le départ en raid sur Hardelot
Construction du mur de l’Atlantique
Les défenses du Mur de l’Atlantique sont constituées de mines immergées à 1 mile de la plage, d’obstacles de basse mer sur l’estran, de lignes de barbelés minées et d’une rangée d’obstacles antichars. Des mitrailleuses et canons sont installés dans des casemates.
En novembre 1943, le maréchal Rommel inspecte les défenses côtières au nord d’Hardelot et, le 18 janvier 1944, les obstacles installés sur la plage et les champs de mines. Le 14 mai 1944, il reviendra constater les dégâts causés par les bombardements alliés sur Hardelot.
Depuis 1942, une batterie d’artillerie lourde est installée au sud de la digue, elle est dotée de 6 canons d’une portée de 19 kilomètres pour des obus de 43 kg et dispose d’un système de protection constitué de champs de mines, de mitrailleuse et au sud de la batterie 3 canons antiaériens.
Les observations de l’abbé Bouly
Les lignes qui suivent sont essentiellement tirées du Registre Paroissial d’Hardelot (RPH) tenu par le curé de la paroisse, l’abbé Bouly, rare témoin de ce qui se passait à Hardelot pendant l’occupation allemande. L’abbé Henri-Philippe Delcourt, curé d’Hardelot les a recueillies dans son ouvrage « L’abbé Alexis Thimothée Bouly- curé d’Hardelot et radiesthésiste »
1939, les perspectives d’une excellente saison touristique étaient aussi prometteuses que la très bonne année 1938 qui avait vu Belges et Anglais nombreux à fréquenter la station. Les hôtels regorgeaient de monde mais… « Voici septembre, des bruits de guerre, la crainte de l’invasion, la terreur des futurs bombardements…Les Lillois et les Roubaisiens accourent se mettre à l’abri chez nous. Les Boulonnais eux-mêmes se croyant plus en sûreté à Hardelot qu’à Boulogne, enlèvent d’assaut toutes les locations possibles. Rien ne reste inoccupé. La chapelle elle-même est trop petite, tellement les gens sentent le besoin d’invoquer » (RPH p 24)
En septembre 1939, la Pologne est envahie, la France déclare la guerre à l’Allemagne…S’installe alors « la drôle de guerre » et en mai 1940 l’invasion des Pays-Bas et de la Belgique précède de peu celle de la France. A Dunkerque en juin, les troupes alliées anglaises quittent précipitamment notre Pays.
Les Allemands étaient déjà à Condette le 21 mai et investissent bientôt Boulogne qui résiste vainement.
En juillet, de la frontière belge à la baie de Somme la zone côtière est zone interdite, « zone rouge ». Les liaisons ferroviaires, routières et téléphoniques sont coupées. L’armée allemande occupe Les Tourelles et le château d’Hardelot à Condette. L’église d’Hardelot est également réquisitionnée pour être utilisée comme salle de réunion son mobilier est installée dans la chapelle du château utilisée comme église provisoire pendant quelques mois. La cloche de l’église est descendue du clocher par des soldats allemands et transportée devant une villa « pour qu’on pût sonner l’alarme en cas d’attaque des tommies… »
En avril 1942 évacuation totale d’Hardelot et dynamitages en série d’une quarantaine de villas qui gênaient l’artillerie allemande. Des prisonniers juifs du camp de Dannes construisent les lignes de défense et les voies d’accès aux blockhaus. « L’année se termine sur des ruines. Aussitôt l’évacuation terminée, la dynamite fait sauter quarante villas. Les autres deviennent bientôt des squelettes, les ouvriers prenant toutes les boiseries pour se chauffer. Toutes les conduites d’eau, le plomb, le cuivre, le zinc, tout est enlevé. Les arbres qui bordent la mer sont abattus ou coupés à un mètre du sol. Autour de la Chapelle et un peu partout l’on construit des blockhaus. Les routes sont bloquées par des réseaux de fil de fer barbelé et les dunes sont semées de mines. Que restera-t-il de cette paroisse si belle avec sa forêt de pins, si éblouissante avec ses constructions neuves ? »
En 1943 l’abbé Bouly note que « la route qui conduit à Hardelot est toujours fermée. Une sentinelle, l’arme au bras en garde l’entrée…
1944 – Hardelot est puissamment fortifié. Le bord de mer est semé de mines, et les dunes, occupées par les Allemands réfugiés dans de nombreux blockhaus, sont devenues zone dangereuse.
La Chapelle est toujours debout, elle sert de salle de conférence, et les officiers qui me la font visiter, sont fiers de me faire remarquer qu’elle est bien entretenue et bon état.
Un dimanche de juin, un bombardement intense détruit plusieurs villas et anéantit notre église. Tout est à terre sauf un pan de mur sur lequel est accroché le Christ…
Ruines de l'église
Le 5 septembre 1944 les alliés arrivent à Hardelot. « En quelques heures les ennemis ont disparu, abandonnant matériel et provisions, ce qui fait le bonheur des pillards qui surgissent de tout côté, surtout de Neufchâtel et de Condette. » RPH.
A la libération en 1944, l'abbé Bouly en compagnie d'un membre des FFI.
La guerre a laissé quelques séquelles et vestiges. Les photographies aériennes (IGN remonter le temps) d’Hardelot-Plage de 1946 montrent les trous d'obus, les blockhaus et les restes des murs antichars.
Quelques clichés présentent des villas de la plage restées debout malgré les dynamitages allemands et les bombardements alliés comme la villa le Bon Gîte ou Wilhelmine (actuelle Hurtebise ) ou Beau Séjour très abîmées et vite restaurées.
Villa Le Bon Gîte
Villa Les Beaux Jours avenue des Cygnes
Villa Wilhelmine (Hurtebise)
En ce début de vingt et unième siècle, outre ceux construits dans les dunes, subsistent encore quelques blockhaus dans la station d’Hardelot. Il est très difficile de supprimer ces éléments du « mur de l’atlantique » constitués de très épaisses couches de béton armé. En 2024 les promeneurs de la digue côtoient encore quelques-uns de ces ouvrages qui ont été « habillés » pour se fondre dans le décor. L’aménagement de la place de l’église en 2005 a nécessité la destruction de l’un d’entre par la mise en œuvre d’engins particuliers comme le montrent ci-après quelques photos.
Crédits
RPH : « « L’abbé Alexis- Thimothée Bouly -Curé d’Hardelot et radiesthésiste » de Henri-Philippe Delcourt- 2008
« Hardelot, les années 1900 » Chappey -Lefebvre 1981
« Hardelot 1940-1944 » Association Histoire Côte d’Opale- Violard-Rivart et Paradis 2009-Editions Histoire et Fortifications : pour les photos de militaires et engins allemands, des troupes françaises, des commandos anglais
« 1940-1944 Les batteries allemandes de Dunkerque au Crotoy » Alain Chazette - Editions Heimdal
La Semaine dans le Boulonnais (photo obus plage)
Mémoire d’Opale (article déminage)
Ruines de blockhaus Mt saint Frieux - Pierre-Guy Reynaert– photos Hervé Piau
Photos article La Voix du Nord bombe aux Bécots 2014 – fournies par Corinne Gavelle
Photos aériennes Hardelot 1946 – IGN « remonter le temps »