Chapelles et église d'Hardelot-Plage
John Whitley partisan de l’Entente Cordiale a fondé la station balnéaire d’Hardelot-Plage en 1906, il y prévoit tous les équipements techniques de pointe de l’époque, les moyens modernes de communication comme le téléphone puis le tramway et les services essentiels à la vie d’une commune.
La première chapelle
Son projet intègre la construction d’un lieu de culte catholique. Catholique lui-même, Whitley fait donc construire une chapelle dès 1908. C’est à Louis-Marie Cordonnier qu’il confie la conception de l’édifice, petite bâtisse au milieu des sables consacrée à Saint Augustin-de-Canterbury.
Il faudra attendre 1910 pour qu’un curé soit nommé, l’abbé Alexis Bouly prêtre anglophone, et qu’Hardelot-Plage soit érigée en paroisse dépendant du doyenné de Boulogne-sur-Mer.
En mai 1940, les Allemands arrivent à Hardelot qui est comprise dès juillet dans la zone rouge, zone côtière interdite. L’église d’Hardelot est réquisitionnée par les Allemands qui la transforment en salle de réunion et de cinéma. En 1942, Hardelot est entièrement évacuée. Commencent alors le dynamitage d’une quarantaine de villas et la construction de blockhaus autour de la chapelle et un peu partout dans la station. En juin 1944, la chapelle et plusieurs villas sont détruites lors d’un bombardement allié. En 1945 le service religieux sera assuré dans la chapelle du Château d’Hardelot.
La Chapelle d'Hardelot-Plage en 1910 (carte postale de 1910)
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La deuxième chapelle et l’église
En 1952, la chapelle est reconstruite par Louis-Stanislas Cordonnier sur le site de la chapelle de 1908, en pierres de Baincthun. La dalle commémorative de la catastrophe de 1925 est installée sur le parvis. Trop petite, elle fera l’objet d’une extension importante en 1963 et prendra les dimensions d’une église. Pour parfaire ce nouvel édifice, des paroissiens mécènes financent dans un premier temps le vitrail triangulaire au-dessus de l’entrée puis, en 1978, les vitraux latéraux.
Les Vitraux, de bleus et de rouges
C’est le maître verrier Luc Six qui en réalise les dessins et les façonne. L’artiste explique l’historique et la symbolique de son œuvre dans un courrier en date du 17 février 2016 reproduit en partie ci-après.
« … A la demande de la Paroisse de l’époque, j’avais créé, réalisé et posé le grand vitrail sur le porche d’entrée de la nouvelle église prolongeant la chapelle d’origine*. J’avais travaillé dans le boulonnais au service de différentes Paroisses et Communes de la Région, et d’abord vers 1959 ou 60 à la création des vitraux de l’église du Touquet, vitrail central et vitraux supérieurs du Chœur. Ces fenêtres n’avaient pas encore été garnies de vitraux.
… Les fenêtres de la nouvelle église d’Hardelot étaient également incolores, garnies de vitrerie provisoire. Quelques années plus tard un couple de donateurs habitant la communauté urbaine de Lille et très attaché à la station balnéaire d’Hardelot en expansion, m’a commandé les vitraux latéraux, que j’avais peut-être déjà composés sur « maquette » (aquarelle sur papier) à la demande de Monsieur le Curé…
Dans beaucoup de cas et depuis fort longtemps (moyen-âge au moins) le Chœur des églises est tourné vers l’Est, « orienté » vers la lumière du levant où renaît le soleil chaque matin. Comme le Sphinx de l’Egypte antique qui surveille l’horizon, est tourné vers l’Est. C’est un symbole de résurrection. Le lever du jour est signe d’Espérance de la lumière éternelle. Ainsi la lumière colorée du vitrail est un apport favorisant le recueillement, la sacralisation des expressions cérémonielles. On n’est pas des anges.
Le chœur de l’église agrandie d'Hardelot est tourné vers la mer à l’Ouest, pour une question sans doute de terrain disponible et de raccordement au bâtiment initial. En entrant, on a donc le Nord à droite et le Sud à gauche. L’intention qui a présidé à la création des vitraux est la représentation non figurative de l’eau et du feu, signes de la présence de Dieu dans le désert, du Baptême de l’eau et du feu… Au Nord, les vitraux sont donc composés dans une gamme de bleu, d’eau. Le bleu est la couleur qui laisse passer le plus de lumière. Il n’y a jamais de soleil au Nord. Le Sud est composé dans une gamme de rouges et de jaunes. De feu. C’est le côté ensoleillé et surtout en hiver quand l’astre est au plus bas. Le rouge est une couleur qui obture la lumière. Il en faut beaucoup pour qu’il exprime tout son éclat…
… Les vitraux ont été imaginés pour éveiller l’Espérance des Hébreux dans le désert, vers la terre promise, notre devenir. Pour éveiller la richesse du monde intérieur, l’exubérance de la Foi et l’intimité de la relation à l’ineffable… Deux dimensions. L’amour qu’on appelle Charité n’est pas exclu de l’intention. Ainsi, dès le premier dimanche qui a suivi la pose des vitraux, Mr le Curé de l’époque m’a dit qu’un jeune père était monté jusqu’à l’Autel avec son nouveau- né à bout de bras au-dessus de sa tête. L’expression est sans doute spectaculaire et peut paraître outrée, mais elle prouve bien que la lumière du vitrail reste une contribution importante dans la catéchèse et la vie des croyants qui se déplacent encore vers les églises.
On ne crée plus beaucoup de vitraux représentant des scènes imagées. Il y a maintenant des images absolument partout et les gens savent lire. L’intention des temps anciens était de se servir de toutes les surfaces disponibles pour enseigner par l’image. Le vitrail a maintenant plutôt la vocation de s’adresser au plus intime de l’âme humaine.
Je souhaite, j’en serais heureux, avoir « touché » quelques personnes par cette œuvre. »
Luc Six, maître verrier
Crédits
Photo carte 1910 – collection de Frédéric Bocquet
Photos vitraux et église - Hervé Piau
Texte de Luc Six : Mijo Lesur